Les jours oubliés

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Cette série a fait l'objet d'une projection lors des voies off d'Arles en 2001. Elle a également été sélectionnée par Jean Claude Lemagny et a fait l'objet d'une acquisition en 1996 à la Bibliothèque Nationale, au cabinet des Estampes et de la photographie à Paris. Tirages argentiques 10-15, 16-24 cm et 30-40 cm bromures et chlorobromures.

En apparence, mon travail a pour sujet les enfants, leurs découvertes, leur quotidien et la nature, des lieux singuliers. Ces sujets se sont imposés pour donner forme à ma sensibilité au vivant, à l'éphémère, aux émotions cachées. Ce sont mes enfants mais à travers eux, j’ai souhaité mettre en image le ressenti de l’enfance, être à l’écoute de leur merveilleux et tenter de faire un portrait du bonheur.

Ma vocation de photographe a trouvé sa source dans mon désir de tenter d'écouter ce qui est secret, décrire ce que l'on ne peut nommer. Il en ressort un élan incessant de discerner, dans le flot du temps des Jours Oubliés, des instants de plénitude.

Le violoncelle que je pratique depuis l'âge de huit ans m'a conduit à ressentir la lumière en terme de vibration. Après le choix professionnel de renoncer au métier de violoncelliste pour celui de photographe, j'ai la conviction que mon éducation musicale se prolonge dans ma recherche visuelle. Je défie la photographie dans son pouvoir d'évocation du rêve à partir des formes réelles là où la musique, repousse toujours plus loin nos facultés à imaginer. Le son du violoncelle a le grain d'une voix intérieure vivante. La musique, plus qu'aucun autre art permet de spiritualiser les formes et atteint directement l'âme humaine. Comme l'a clairement dit Kandinsky dans Du spirituel dans l'art, "l'harmonie des formes repose sur le principe de l'entrée en contact avec l'âme humaine". Ce principe est défini comme "le principe de la nécessité intérieure".

Dans mon travail, je me questionne et questionne la photographie : l'omniprésent qui s'offre à nous est aussi un présent rêvé, un secret jardin intérieur, une trace inaltérable, une poésie du vide, du presque rien, un recueil du vivant rassemblé dans un silence, la rencontre entre la lumière et l'œil, entre les formes et l'esprit. La pureté de l'œil dans son intimité avec l'air, la lumière, ce contact avec les choses présentes dans l'espace, peut ouvrir une qualité d'espace et de lumière si la vocation du regard est respectée.

Cela implique que le temps soit celui du regard qui regarde vraiment, qui choisit un lieu, un cadre, un instant, une distance, une seconde, sans concession.

Le vrai temps de l'image, c'est le temps de l'esprit qui s'imprègne du lieu ou de l'être, qui apprivoise le silence, dans une attente où les choses viennent à lui, imperceptiblement, dans une complicité muette. L'image est faite avant d'être écrite dans ce lieu où toute émotion se réfugie. Elle vient du temps qui appartient à l'œuvre pour prendre forme. La photographie ne peut venir que par ce long travail d'épuration vers la profondeur et la vérité du regard.

Le style n'est qu'une question de fidélité. Un regard est vraiment lui-même, uniquement s'il fait abstraction du temps qui passe, et des sens codés, des signes culturels qui noient la perception pure de l'esprit.

 L'art oriental est vraiment une école de la pureté. Le moins, c'est le plus ; l'infime, c'est le plein. Pour moi, la photographie procède de cette recherche, comme la musique.